En Belgique, comme ailleurs, le droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) n’est pas acquis définitivement. L’accès à IVG reste soumis à de nombreuses pressions qu’elles soient politiques, sociales ou religieuses, qui menacent et entravent l’accès réel à l’avortement. Pourtant, ce droit fondamental est une condition essentielle de l’égalité entre les femmes et les hommes, de l’accès à la santé et du respect de la dignité humaine et de la vie privée.

Le Centre d’Action Laïque a toujours fait du droit à l’IVG un de ses combats prioritaires. 

Le droit à l’avortement: un combat au cœur du projet laïque

Le droit de mette fin à une grossesse ne relève pas du privilège. C’est un pilier de la société laïque et démocratique que le CAL défend: une société où l’autonomie de décision, l’égalité des genres, la liberté et la dignité humaine priment sur les dogmes et les injonctions morales.

Ce combat est aussi féministe, car sans droits sexuels et reproductifs, il ne peut y avoir d’émancipation réelle des femmes. Et il est profondément humaniste, car il vise à garantir à chaque femme un accès digne, sûr et libre à un soin essentiel.

Un combat long et inachevé

Pendant plus d’un siècle l’avortement est resté inscrit dans le code pénal Belge comme un crime contre l’ordre des familles et la moralité publique.

Pour les femmes, l’émancipation passait aussi par le droit de disposer librement de leur corps. Elles ont mené des combats courageux, organisant des manifestations, des actions de désobéissance civile, créant des comités de dépénalisation, et accompagnant d’autres femmes jusqu’aux Pays-Bas pour qu’elles puissent avorter en sécurité.

Aux côtés de ces militantes, des médecins ont risqué leur liberté. L’un des plus emblématiques, le docteur Willy Peers, fut emprisonné en 1973 pour avoir pratiqué clandestinement des IVG. Sa libération rapide, fruit d’une immense mobilisation populaire, marqua un tournant.

Une législation encore restrictive

En Belgique, il a fallu attendre 1990 pour que l’IVG soit partiellement dépénalisée, puis 2018 pour qu’elle soit enfin retirée du Code pénal. Une avancée historique, certes, mais incomplète. 

Aujourd’hui encore, l’accès à l’avortement en Belgique reste soumis à des conditions strictes et à des sanctions pénales en cas de non-respect de celles-ci:

  • Délai légal restrictif : maximum 12 semaines de grossesse
  • Obligation d’informations sur les options d’adoption et d’accueil
  • Délai d’attente imposé de 6 jours entre la première consultation et l’intervention

Si toutes ces conditions ne sont pas respectées par les médecins et les patientes, ils et elles risquent toujours des sanctions pénales pouvant aller d’un mois à un an de prison et une amende de cinquante (x8 = 400 euros) à deux cents euros (x8 = 1600 euros)1.

Passé le délai de 12 semaines de grossesse, l’interruption d’une grossesse ne peut être réalisée que si la poursuite de la grossesse représente un danger grave pour la santé de la femme, ou si le fœtus est atteint d’une pathologie grave et reconnue comme incurable au moment du diagnostic. 

La législation actuelle demeure imprégnée d’une méfiance persistante envers les femmes et s’inscrit davantage dans une logique de contrôle que de soin et de respect de leur autonomie de décision. Cette conception moralisatrice et stigmatisante est sans cesse ravivée par les débats politiques, alimentés par des convictions idéologiques et des stratégies de marchandages. Depuis 2017, de nombreuses propositions de loi sont déposées pour améliorer l’accès à l’IVG. Mais les mêmes forces politiques conservatrices s’y opposent systématiquement, recourant au chantage et aux manœuvres dilatoires pour bloquer toute avancée.

Des menaces persistantes, ici et ailleurs

L’IVG est de plus en plus visée par des forces conservatrices et réactionnaires, qui avancent masquées sous couvert de valeurs familialistes ou de protection du fœtus. En Belgique, certaines formations politiques plaident pour conférer un statut juridique à l’embryon et ainsi fragiliser les motifs à la base de la dépénalisation de l’avortement. D’autres soutiennent des structures diffusant des discours culpabilisants auprès des femmes.

En Europe, la situation est inégalitaire2: totalement interdit à Andorre et dans le Lichtenstein, l’avortement est également quasi interdit en Pologne et à Malte. Partout ailleurs en Europe, l’accès réel à l’avortement est régulièrement bafoué, et les mouvements anti-choix partagent un agenda réactionnaire commun. Au niveau mondial, plus de 40.000 femmes meurent chaque année à cause d’avortements non médicalisés. Ce sont les droits fondamentaux des femmes qui sont en jeu, notamment leurs droits à la vie et à la santé.

Le CAL, moteur du changement

Face à ces reculs, le CAL mène une action résolue. Dès 1978, la position laïque pour la dépénalisation totale de l’avortement est largement diffusée. En 2011, le CAL a créé la plateforme Abortion Right3 réunissant plusieurs associations, professionnels de santé et militants mobilisés pour garantir un accès effectif, sûr et sans culpabilisation à l’avortement. En 2015, le CAL et la plateforme ont initié la campagne #IVGHorsDuCodePénal, pour sortir l’IVG du droit pénal et la faire reconnaître comme un soin de santé à part entière. C’est notamment grâce à cette campagne que la loi de 2018 a été votée:

  • celle-ci retire symboliquement l’IVG du code pénal mais maintient les sanctions pénales;
  • supprime l’obligation des femmes à manifester un état de détresse;
  • sanctionne toute personne qui entrave physiquement l’accès à l’avortement.

Aujourd’hui, la plateforme Abortion Right, coordonnée par le Centre d’Action Laïque, organise régulièrement des actions et milite toujours pour des avancées concrètes:

  • Allonger le délai légal pour recourir à l’IVG à minimum 18 semaines.
  • Supprimer le délai d’attente obligatoire de 6 jours.
  • Intégrer pleinement l’IVG au droit médical, en la rattachant aux lois sur les soins de santé et les droits des patients.
  • Supprimer toutes les sanctions pénales à l’égard des femmes et des médecins.
  • Interdire la clause de conscience institutionnelle et encadrer strictement la clause individuelle.
  • Élaborer une procédure administrative accélérée et simplifiée pour l’obtention de l’Aide Médicale Urgente (AMU) dans le cas d’une demande d’interruption volontaire de grossesse afin de garantir l’accès à l’IVG dans les délais légaux.
  • Autoriser les sages-femmes à réaliser des IVG de type médicamenteux et à pouvoir assister des médecins pour des IVG chirurgicales.
  • Prendre en charge les IVG au deuxième trimestre dans des structures adaptées, avec équipes pluridisciplinaires.
  • Assurer un accompagnement psychosocial dans toutes les structures agréées, hospitalières ou extrahospitalières.
  • Assurer la formation systématique des professionnels.
  • Diffuser une information neutre, complète et accessible via les canaux publics.

Toutes nos revendications, disponibles dans le dernier mémorandum d’Abortion Right, s’adossent au rapport du comité d’experts commandé par le gouvernement Vivaldi (2019-2024), qui a formulé 25 recommandations essentielles pour améliorer l’accès à l’IVG. Le CAL et la Plateforme demande leur mise en œuvre immédiate.

Au niveau européen, le CAL appelle à reconnaître les droits sexuels et reproductifs comme droits fondamentaux. Il invite les institutions européennes à garantir un accès effectif à l’IVG dans tous les États membres, à reconnaître l’accès à l’avortement comme un droit fondamental et à soutenir les organisations de la société civile œuvrant pour l’émancipation des femmes.

  1. Toute amende doit être multipliée par le coefficient appelé « opposant décime » appliqué au montant inscrit dans le Code. Ce coefficient est régulièrement adapté par le législateur.
    Depuis le 1er janvier 2017, l’opposant décime est fixé à x 8 (Loi du 5 mars 1952, modifiée en dernier lieu en 2016). Il est toujours d’application en 2025.  ↩︎
  2. Voir état des lieux de l’avortement en Europe: avortement.eu ↩︎
  3. abortionright.eu ↩︎