La liberté d’expression « constitue l’un des fondements d’une société démocratique, l’une des conditions primordiales de son progrès et de l’épanouissement de chacun » selon la Cour européenne des droits de l’homme. Elle protège l’opinion et la libre circulation des idées et des informations dans une perspective de pluralisme et d’ouverture d’esprit sans lesquels il n’est pas de société démocratique. Dans ce cadre, même les idées qui heurtent, choquent ou inquiètent peuvent être protégées.
En principe, l’État ne peut pas porter atteinte à la liberté d’expression de ses citoyens, par le biais de la censure par exemple. Il est même tenu d’assurer un environnement favorable à la participation au débat public de toutes les personnes concernées, leur permettant d’exprimer sans crainte leurs opinions et idées, même si celles-ci vont à l’encontre de celles défendues par les autorités officielles ou par une partie importante de l’opinion publique.
« L’interdiction d’expression », garantie de la démocratie
Pourtant, et d’une manière qui pourrait sembler contradictoire de premier abord, interdire la formulation de certains propos ou la diffusion de certaines idées est la meilleure condition de réalisation de la liberté d’expression. Dans une société démocratique, la liberté d’expression ne peut se réduire à la faculté de pouvoir tout dire, sans aucune considération pour les conséquences de ces déclarations. En effet, dans un État de droit, aucune liberté n’est absolue: elles peuvent être limitées, pour autant que ces limitations répondent à des conditions strictes (légalité, nécessité, proportionnalité).
La liberté d’expression doit également s’envisager comme le matériau même de la démocratie, de la formation de l’intérêt général et de la recherche de vérité. Les limitations à la liberté d’expression que la loi établit garantissent les conditions du débat démocratique. À ce titre, la haine et le mensonge ne peuvent faire l’objet de protections en ce qu’ils sont incompatibles avec la démocratie et cherchent en réalité à la détruire.
Indissociable de la liberté de pensée et de conscience, la liberté d’expression couvre le droit d’exprimer une opinion sur une religion ou une conviction, y compris par la satire. Dans ce cadre, les limites à la liberté d’expression protègent les individus et non les religions ou les convictions en tant que telles: il faut clairement distinguer l’incitation à la haine, à la discrimination ou à la violence contre des personnes à cause de leur religion réelle ou supposée, qui est interdite, de la critique d’une idée ou de dogmes religieux, qui est permise. Cela constitue la différence essentielle entre le discours de haine et le droit au blasphème.
La libre diffusion des idées en sa forme artistique
La liberté d’expression dépasse le seul cadre politique, puisque toutes les expressions artistiques relèvent de la liberté d’expression, même lorsqu’elles poursuivent un but commercial ou de divertissement. À ce titre, elles ne peuvent pas être censurées; elles ne pourraient être interdites que si elles sont en réalité un prétexte à une manifestation haineuse qui incite à la violence par exemple. Le fait que ces expressions artistiques puissent être vécues comme choquantes ou dépravées par certaines personnes ne leur ôte pas pour autant leur statut protégé.
La liberté académique, liberté d’expression scientifique
Souvent rapprochée de la liberté d’expression, la liberté académique ne se confond pas tout à fait avec celle-ci, bien que les deux puissent être rapprochées dans leur objectif de libre diffusion des idées. La liberté académique doit toutefois s’entendre comme la possibilité d’explorer tous les sujets de la connaissance humaine, tous les champs du savoir, au moyen de la méthode scientifique.
La méthode scientifique, basée sur l’observation, l’expérimentation et la modélisation, garantit l’absence de jugements de valeur ou de considérations morales, religieuses, philosophiques, politiques, etc. étrangères à l’objet d’étude.
En confondant liberté académique et liberté d’expression, le risque serait de sombrer dans une forme de relativisme, qui admettrait que le chercheur ou le professeur est libre de diffuser ses propres opinions ou croyances en dehors de ce cadre scientifique. Cette situation ne pourrait bien entendu pas être protégée en tant qu’expression académique, mais pourrait l’être en tant que forme d’expression venant d’une personne, pour autant qu’elle respecte les limitations prévues par la loi.