Une crise carcérale persistante
La Belgique fait face depuis des années à une crise carcérale profonde: surpopulation dans les prisons, conditions déplorables de détention des détenus et de travail des agents pénitentiaires, manque de personnel, etc. En 2024, le pays comptait une surpopulation alarmante avec plus de 13.000 personnes incarcérées pour une capacité de 11.040 places.
Cette situation est dénoncée de longue date par de nombreuses instances, comme le Conseil central de surveillance pénitentiaire (CCSP), le Conseil de l’Europe ou encore la Cour européenne des droits de l’homme. À intervalles réguliers, la Belgique se fait condamner principalement pour traitements inhumains et dégradants en raison de ses conditions de détention déplorables et du manque de soins consacrés aux internés dans les annexes psychiatriques des prisons.
L’engagement laïque au sein du monde carcéral pour la dignité humaine
Le mouvement laïque est engagé de longue date dans l’univers carcéral. Plusieurs associations laïques actives sur le terrain accompagnent les personnes détenues à travers l’assistance morale (FAMD1) et l’aide sociale aux justiciables et aux victimes. Attentif aux réalités de la détention, le Centre d’Action Laïque mène des actions de sensibilisation, en interpellant l’opinion publique et les responsables politiques pour défendre les droits fondamentaux et l’État de droit.
Le respect de la dignité humaine est au cœur des préoccupations du mouvement laïque. Toute personne incarcérée est privée de liberté, pas de droits. Le Centre d’Action Laïque rappelle que la privation de liberté ne peut s’accompagner d’une privation de dignité. Le droit à la dignité humaine est la condition de toute émancipation individuelle, elle-même indispensable à la construction d’une société démocratique fondée sur le progrès social.
Un système répressif à bout de souffle
Malgré les augmentations de la capacité carcérale, dernièrement de 878 places en 2023, le nombre de détenus dépasse toujours les infrastructures disponibles. Le nombre de détenus, toujours supérieur aux capacités d’accueil, engendre des conditions de travail intenables pour le personnel. Cette pression contribue à aggraver la pénurie d’agents, limite les possibilités de réinsertion en réduisant l’accès aux ateliers et accentue l’isolement des personnes détenues.
Le système carcéral actuel s’avère inefficace et contre-productif: l’investissement des pouvoirs publics réalisé dans le système répressif (ex.: 382 millions € pour la construction de la prison de Haren) n’aboutit pas à une réduction significative de la criminalité avec un taux de récidive qui reste extrêmement élevé: près d’un détenu sur deux retourne en prison. L’objectif fondamental de la Justice pénale à savoir la réhabilitation et la protection de la société n’est aujourd’hui pas atteint.
Des solutions réductionnistes
Les études scientifiques sont unanimes: l’emprisonnement ne garantit pas son efficacité dans la prévention de la récidive; au contraire, il augmente le risque de nouvelles infractions chez les personnes incarcérées2. En réservant l’incarcération aux infractions les plus graves et en garantissant des conditions de détention respectueuses, on favorise la réhabilitation des détenus plutôt que leur marginalisation, tout en réduisant les risques de récidive. Dans cette perspective, promouvoir des alternatives à l’enfermement et repenser le recours à la privation de liberté apparaissent comme des impératifs.
Des alternatives concrètes sont envisageables:
- Encourager la libération conditionnelle, le recours au bracelet électronique et assouplir les permissions de sortie et les congés pénitentiaires pour préparer la réinsertion.
- Instaurer un mécanisme de réduction de peine fondé sur la bonne conduite ou l’implication dans des projets de réinsertion.
- Encadrer la détention préventive pour la limiter dès lors que la Belgique affiche un taux anormalement élevé par rapport à la moyenne européenne.
- Créer un mécanisme de régulation carcérale empêchant le recours à l’incarcération lorsque les prisons affichent un taux élevé de surpopulation.
- Développer des modèles de détention à taille humaine, non comme des places supplémentaires, mais pour les remplacer progressivement par un modèle ouvert et moins sécuritaire, capable de réduire la récidive.
- Assurer une prise en charge médicale adaptée pour les internés et les faire sortir des annexes psychiatriques.
L’éducation et la culture: clé de la réinsertion
Selon la loi Dupont3, les personnes détenues ont droit à l’éducation et à la culture. Pourtant, de nombreux obstacles limitent cet accès: manque de moyens, absence de bibliothécaires et d’outils adaptés, pénurie de personnel entrainant des annulations, contraintes logistiques et lourdeurs administratives pour obtenir les autorisations.
Or, ces espaces sont essentiels pour développer des compétences, restaurer l’estime de soi et réduire la récidive. Portée notamment par les conseillers moraux, l’action culturelle permet de retisser du lien social et de reconnaître chaque détenu comme un citoyen à part entière. Le mouvement laïque défend une approche fondée sur l’émancipation: investir dans la culture en prison, c’est investir dans une société plus juste et plus humaine.
- Fondation d’assistance morale aux détenus, famd.be ↩︎
- Voir notamment, en ce sens, la synthèse des connaissances existantes dans le domaine de la
prévention de la récidive (aussi bien en France qu’à l’étranger) opérée en amont de la conférence
de consensus sur la prévention de la récidive: http://www.gip-recherche-justice.fr/conference-consensus/wp-content/uploads/2012/10/synthese_auditions_conference_consensus1.pdf ↩︎ - Loi du 12 janvier 2005 de principes concernant l’administration pénitentiaire ainsi que le statut juridique des détenus ↩︎