Dans un monde marqué par les conflits, les inégalités économiques et les bouleversements climatiques, des milliers de personnes prennent chaque jour le chemin de l’exil. Face à cette réalité humaine, les politiques migratoires de la Belgique et de l’Union européenne peinent à répondre par des mesures respectueuses des droits fondamentaux.
Une réalité humaine face à une politique déshumanisante
En Belgique, comme dans de nombreux pays européens, sous l’influence des idées d’extrême droite, les personnes migrantes sont stigmatisées et les politiques migratoires se durcissent au prix de vies humaines, sans pour autant empêcher les exils1.
Les mesures adoptées visent moins à organiser l’accueil qu’à décourager l’arrivée des personnes migrantes, en témoignent d’ailleurs les condamnations répétées de la Belgique par la Cour européenne des droits de l’Homme pour son incapacité à fournir un hébergement aux demandeurs d’asile, pourtant garantis par la loi et la directive européenne2. Malgré cela, la Belgique assume publiquement une politique de restriction de l’accueil allant alors à l’encontre des principes de l’État de droit et de ses engagements internationaux3.
En Europe, la réforme du Pacte sur l’Asile et la Migration adoptée en 2024, illustre cette logique sécuritaire: priorité au contrôle, à la dissuasion et la coercition plutôt qu’à la protection des droits. Cette approche ne résout rien, au contraire, elle aggrave les tensions sociales et les inégalités.
Une vision laïque et humaniste de l’asile et de la migration
L’Europe et la Belgique ne sont pas submergées par les migrants: elles sont confrontées à un défi d’organisation et de solidarité. Les réponses sécuritaires, les murs, les centres fermés, les expulsions massives ne résoudront rien. Elles ne feront qu’aggraver les tensions sociales, renforcer les inégalités et fragiliser encore davantage les plus vulnérables.
La laïcité, en tant que principe garantissant l’égalité de toutes et tous, impose de refuser les politiques d’exclusion nourries par le racisme structurel et les préjugés.
Fidèle à ses valeurs de solidarité, d’égalité et de liberté, le Centre d’Action Laïque appelle à un changement de cap face aux dérives sécuritaires vers une politique migratoire humaine pour une société ouverte et inclusive, où chaque personne a le droit de vivre dignement, de circuler librement, de travailler et de vivre en famille.
Il plaide notamment pour:
- Assurer et promouvoir des voies de migration sûres et légales qui reconnaissent le droit à la liberté de circulation et garantissent les droits fondamentaux des personnes migrantes, indépendamment des motifs qui les ont poussées à quitter leur pays.
- Mettre en place des critères de régularisation dans une loi accessible et prévisible.
- Mettre fin à toute forme de détention pour des raisons administratives liées à la régularité du titre de séjour.
- Prévoir un mécanisme de délivrance automatique d’un titre de séjour (temporaire) dans les cas où l’État fédéral n’est pas en mesure de respecter ses obligations légales en matière d’accueil des candidats à l’asile ou à la protection internationale.
Un droit d’asile fragilisé
Lorsqu’une personne migrante reçoit un ordre de quitter le territoire, elle peut être détenue dans un centre fermé en attendant son renvoi forcé vers son pays d’origine4 avec des procédures qui s’éternisent. Pourtant, enfermer des personnes qui n’ont commis aucun crime, uniquement parce qu’elles n’ont pas de papier en règle, est une atteinte à la dignité humaine.
Par ailleurs, les personnes migrantes sont régulièrement confrontées à des pratiques attentatoires à leurs droits fondamentaux, notamment en matière de vie privée, comme des restrictions au droit de vivre en famille, notamment dans les procédures de regroupement familial, la collecte massive de données biométriques, y compris sur des enfants très jeunes, ou encore des contrôles douteux de l’âge des enfants, sans garantie suffisante de fiabilité, etc.5
Ces politiques de contrôle et de suspicion se fondent sur une peur irrationnelle de l’autre, qui alimente la méfiance et la stigmatisation. Pourtant, au-delà des valeurs humanistes, les études scientifiques et économiques démontrent les effets positifs de l’immigration sur notre société, en particulier dans un contexte de vieillissement de la population et de déclin démographique.6
Des sans-papiers laissés invisibilisés et précarisés
Certaines personnes vivent en Belgique depuis des années sans statut légal. Ces « sans-papiers » travaillent parfois en Belgique depuis des années sans bénéficier d’aucun droit (emploi, sécurité sociale, santé, etc.) et demeurent maintenues dans une situation de précarité permanente.
Les procédures de régularisation7 étant discrétionnaires et peu transparentes, ils ne peuvent régulariser leur situation, pourtant indispensable d’un point de vue humain et économique. Vivre des années dans la clandestinité, sans droit, sans voix, sans reconnaissance, est une forme de violence institutionnelle. Une régularisation sur base de critères clairs, permanents et transparents, qui reconnaît la réalité humaine, sociale et économique des personnes concernées, doit être une priorité.
- 32.100 morts depuis 2014 selon l’Organisation internationale pour les Migrations (OIM). ↩︎
- Loi du 12 janvier 2007 sur l’accueil des demandeurs d’asile et de certaines autres catégories d’étrangers et la Directive (UE) 2024/1346 du Parlement européen et du Conseil du 14 mai 2024 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant une protection internationale. ↩︎
- Accord du gouvernement De Wever sur l’asile et la migration: maîtriser les arrivées, réduire la capacité d’accueil, Baptise Hupin, RTBF – https://www.rtbf.be/article/accord-du-gouvernement-de-wever-sur-l-asile-et-la-migration-maitriser-les-arrivees-reduire-la-capacite-d-accueil-11497875 ↩︎
- Environ 5000 personnes sont détenues en centre fermé. ↩︎
- Il convient également de souligner que certaines mesures, comme les visites domiciliaires dans le cadre de contrôles liés aux expulsions ou l’accès aux appareils technologiques des personnes migrantes, sont pour l’heure envisagées par le gouvernement actuel. Ces propositions suscitent de vives inquiétudes quant au respect du droit à la vie privée. ↩︎
- Voir notamment L’immigration: l’une des réponses au vieillissement démographique de l’Europe, Conseil de l’Europe, 2024 – https://pace.coe.int/fr/news/9641/immigration-one-of-the-answers-to-europe-s-demographic-ageing-, et, Le nouveau pacte sur l’asile et la migration. Un défit majeur pour les valeurs européennes, Perrine Hely et Denis Stokking, Pour la solidarité, 2024 – https://pourlasolidarite.eu/wp-content/uploads/2024/11/ed-2024-pacte_asile_et_migration.pdf. ↩︎
- Dont la dernière date de l’année 2000. ↩︎